SI TU VEUX PEINDRE DESCENDS TOUT SEUL DANS LE JARDIN DE TON ÂME
Proverbe chinois, Ma travail est un voyage introspectif qui me permet d'exprimer l'authenticité de mes émotions et de partager des récits personnels à travers mes œuvres. C'est dans cette quête intérieure que je trouve la richesse et la diversité qui nourrissent mes créations.
Mon exploration créative est libre et variée, sans attache à un unique thème. Je jongle avec les supports et les matières, développant des thèmes , des séries qui révèlent un aspect différent de mon imaginaire. Mon parcours n’est pas une quête d’un style unique, mais une célébration de la diversité et de la richesse des expériences humaines. Cette pluralité me permet de découvrir de nouvelles perspectives et d’exprimer une multitude d’émotions à travers mes œuvres.
Chaque série est le reflet d’une inspiration particulière, d’une idée qui m’a touchée. Je considère cette diversité comme une authentique vitalité de mon travail, un voyage à travers les multiples facettes de l’existence. Mes créations deviennent ainsi des instantanés émotionnels, des résonances d’idées et de sentiments ancrés dans un monde en constante évolution.
Au cœur de mon univers artistique se trouve Kiko, mon personnage emblématique. Sa présence ludique traverse mes différentes séries, agissant comme un fil rouge qui relie mes explorations.
Je crois fermement que l’art est un espace d’expérimentation et de liberté, où chaque expression trouve sa place.
Corelia Roché présente une déambulation à la fois figurative et onirique dans un certain nombre de villes de la planète, sous le titre de « Kiko et le Continent ».
Elle entend clairement se situer dans une double filiation, venue de ses grands-parents paternel et maternel. Le premier est Henri-Pierre Roché, « homme de lettres », auteur de Jules et Jim et de Deux Anglaises et le Continent, (il y a un clin d’œil à ce dernier titre dans le travail de Corelia Roché) et aussi amateur d’art très éclairé, ami proche de – notamment – Picasso, Braque, Brancusi, Picabia, Marcel Duchamp, Wols, Dubuffet… Il a été dans l’histoire de l’Art de la première partie du XXème siècle un détecteur, un critique, un passeur, une autorité.
Le second est Argentin, il est lui-même fils d’artiste, venu se confronter comme beaucoup d’autres de son temps à Paris. Ce second grand-père n’était un artiste que secret, mais avait une personnalité facétieuse, marginale, sans doute bohème, c’était un conteur et un personnage attachant. Il était surnommé « Kiko », « le petit » en espagnol.
Plus que Roché, c’est ce grand père qui inspire Corelia, cherchant à pérégriner mentalement et picturalement dans diverses villes, célèbres ou moins célèbres, de la planète. Voyage imaginaire, parce que vécu à l’époque du confinement. Voyage artistique, puisqu’il cherche à traduire les visions de ces villes en images à la fois réalistes et rêvées.
L’apport de Corelia Roché est celui d’une artiste qui enregistre et accumule des perceptions du monde qui l’entoure, réel et parfois imaginaire, proche et parfois distant, de façon à ce que cette perception produise des images créatrices, originales. Pour cela, Corelia utilise toutes techniques à sa disposition : crayon, huile, matériaux, assemblages, collages, etc. Ce qui caractérise son travail est sans doute une forme d’accumulation, parfois de saturation, par ajouts de formes et de couleurs, par occupation presque absolue de l’espace, en occultant toute trace du blanc original du papier ou de la toile.
Mais son personnage est peut-être moins inconséquent qu’il ne parait et il cherche à conjurer cette accumulation, cette tendance obsessionnelle. Aussi découvre-t-on des villes ou des lieux qui existent de façon assez structurée, ou selon des signes qui les évoquent et définissent dans le temps et l’espace : Un Palais de la Culture éclairé la nuit à Varsovie, un kaléidoscope de couleurs très vives à Times Square, une association, colorée aussi, de maisons près de Venise, des silhouettes dans une Kasbah, etc.
La succession de ces villes suggestives se situe entre une forme de naïveté et une forme de rêve continu, qui permet de s’évader, parfois dans un labyrinthe, parfois dans une contemplation amusée, émerveillée.
Le rôle de l’artiste, de ceux qu’a connus Henri-Pierre Roché, comme de ceux qu’a fréquentés Corelia, et sans doute Kiko n’est-il pas de nous faire traverser les apparences pour nous permettre de nous évader, de nous dépasser, de nous sublimer ?
PHILIPPE RELIQUET Conseiller culturel au Ministère de la Culture et à l'étranger.